Cette photo date de 2011. Elle avait été prise en Thaïlande.
Je voyais pour la première fois des éléphants; à cette époque, mon animal préféré.
Aujourd’hui, vous ne m’y reprendrez plus.
Pour rien au monde je ne referais ce type de tours.
Une conscience environnementale plus forte, c’est ce qui sépare la fille sur la photo de celle que je suis dorénavant.
Tout comme, depuis que j’ai vu Blackfish, et que je suis de plus en plus sensibilisée au discours et au travail d’associations qui oeuvrent pour la protection des océans, vous ne me verrez plus assister à des spectacles mettant en scène des dauphins ou des orques.
Pourquoi ?
Parce que ce type de loisirs, innocent d’apparence, n’est pas sans conséquences…
Explications.
Amoureuse inconditionnelle des éléphants, lors de ce séjour en Thaïlande, j’avais bien évidemment voulu goûter à l’expérience de voir ces animaux de près, histoire de me créer, moi aussi, des photos-souvenirs impérissables.
Du moins c’est ce que je croyais.
L’éléphant sur lequel j’étais était plutôt jeune et assez fou-fou. Il s’arrêtait pour manger un peu quand il en avait envie, me permettant de prendre plus de photos, il tentait assez souvent de sortir du sentier ou bien m’aspergeait d’eau quand on traversait des petites rivières. En somme, le combo idéal pour me faire dire que je passais vraiment un bon moment.
Pourtant, à un moment, en voyant un couple passer devant moi, je suis redescendue de mon nuage pour me demander l’espace d’un instant si l’éléphant n’avait pas mal tout compte fait. Sur son dos, il devait supporter leur poids, ainsi que celui-de la chaise en bois sur laquelle ils étaient assis, dont les lanières s’enroulent autour de sa queue.
Oui, je me suis posée la question , mais visiblement pas assez longtemps pour me faire réaliser, à cet instant précis, que non, tout ça n’était pas forcément très bon, et qu’il valait mieux que je descende.
Non, parce que j’étais trop émerveillée. Emerveillée de la chance que me donnait la Thaïlande, de pouvoir côtoyer mon animal préféré d’aussi près.
D’ailleurs, c’est l’une des principales choses à laquelle on pense quand on parle du pays du sourire. Le simple nom de « Thaïlande » suffit à évoquer : des plages de sables blancs bordées par une mer cristalline, une gastronomie riche et savoureuse, une nature unique des plus sauvages, avec la possibilité d’aller directement à sa rencontre via des tours à dos d’éléphants, ou bien au sein de temples dédiés. Aux tigres, par exemple.
Magique!
Heu, vraiment?
Si le tour à dos d’éléphant m’avait remplie de joie et fait de moi la plus heureuse, le spectacle qui suivait, intégré à la prestation, avait eu tôt de me mettre mal à l’aise.
Mal à l’aise car il m’avait donné à voir ces sublimes pachydermes sous un autre jour. En les voyant peindre, jouer au foot ou se mettre en équilibre sur des objets, je les ai trouvés ridicules. J’ai trouvé la situation grotesque et je me suis trouvée absurde d’assister à de telles bouffonneries. Et les gens autour de moi, qui avaient pour la plupart l’air d’apprécier le show, n’échappaient guère à mon jugement soudainement devenu acerbe. D’ailleurs, c’est un peu à ce moment que j’ai réalisé qu’il y avait énormément de monde. Que tout ce monde, comme moi, venait de faire un tour à dos d’éléphant. Que MON moment n’était véritablement qu’un moment parmi tant d’autres. Malaise.
Sous cet angle, l’ambiance ressemblait de plus en plus à Saint-Michel à Paris, quartier bardé de restaurants attrapes-touristes, totalement aseptisés et véritables pompes à fric.
Et qui dit pompe à fric, dit rythme effréné et environnement douteux.
Chez moi, le malaise était né ; et, jusqu’à la fin du voyage, je n’ai plus sauté sur la moindre occasion de réitérer l’expérience, préférant les balades en jet-ski ou siroter des noix de coco sur la plage.
La vérité sur ces activités de plus en plus populaires, en raison d’une activité touristique de masse grandissante, est encore plus nauséabonde que ces quelques minutes de spectacle.
Afin d’être apprivoisés et de tolérer aussi facilement le contact avec les humains, les éléphants sont dressés dès leur plus jeune âge. Pour cela, ils sont arrachés tout bébé à leur famille; un drame pour ces animaux habitués à vivre en clan au cours de leur existence.
Une fois capturés, ils sont pour la plupart du temps enchainés ou enfermés dans de minuscules enclos. Aussi, pour que ces forces de la nature deviennent dociles et obéissent aux ordres de leur mahout, elles traverseront des épreuves terribles : privation de nourriture (encore plus en cas de mauvaise exécution d’un numéro), manque de sommeil, coups et blessures.
Ce rite de dressage qui utilise la torture comme base s’appelle le «phajaan». C’est une technique de contrôle qui admet que l’on puisse séparer le corps et l’esprit d’un être vivant, dans le but de l’assujettir, en le soumettant à des actes traumatisants. L’animal dans le cas présent en vient à perdre son instinct sauvage par nature, au profit de l’apprentissage de numéros folkloriques destinés à amuser le touriste en voyage. Une fois dressé, le calvaire peut continuer. Quotidiennement il devra transporter et supporter le poids de dizaines et de centaines de touristes sur son dos. L’éléphant tout aussi impressionnant qu’il est souffre et cela s’en ressent sur sa colonne vertébrale. Mais à la moindre incartade, le cornac armé de son ankush saura faire entendre raison à l’éléphant récalcitrant.
Privés de stimuli, beaucoup d’animaux domestiqués de la sorte développent une apathie physique, des troubles neurologiques, des névroses (vous savez, quand ils secouent frénétiquement leur tête de droite à gauche), ou bien des déviances comportementales les rendant extrêmement agressifs.
Dans un accès de rage, ils peuvent en venir à sérieusement blesser ou bien tuer leur dresseur ou toute personne se trouvant à proximité.
Très souvent, également, les animaux ainsi captifs meurent prématurément.
C’est le cas des éléphants, mais également des tigres ou bien des orques. Eux aussi connaissent le triste et même sort.
Quand les félins se retrouvent drogués, privés de leurs réflexes de prédateurs (car enchainés des heures durant, ou bien coincés dans des cages à lapins les contraignant à déambuler pour seule occupation), et qu’ils sont dépourvus de leur alimentation de base (la viande rouge, au profit de volailles bouillies, très mauvaises pour leur développement musculaire), les orques elles, évoluent dans des bassins chlorés. Elles se retrouvent directement exposées aux rayons UV du soleil et ne peuvent s’en protéger en plongeant dans les abysses, car ces bassins sont généralement profonds de moins de 10 mètres. Ces animaux marins habitués à parcourir près de 200 km par jour se retrouvent cloitrés dans des prisons d’eau d’à peine 50 mètres de long et 25 de large ; ils doivent cohabiter avec des orques ne venant pas de leur clan et ne communiquant pas de la même manière. Il leur est donc impossible de former un groupe social équilibré. Aussi, les attaques répétées entre orques ajoutent au traumatisme.
Résultat, en captivité, certaines à l’instar de Tilikum, se transforment en machine à tuer. Et en dépit de leur nom en anglais «killer-whales», on ne recense aucune attaque mortelle d’orque à l’état sauvage contre des Hommes.
Le problème avec ce type d’activités c’est que «tout le monde» s’y adonne, et que surtout, ça à l’air innocent.
L’amour des animaux, la joie, l’excitation de voir ces sublimes créatures en vrai et aussi près de nous, très souvent l’emportent sur la raison et le fait de se poser les bonnes questions.
Tant et si bien, qu’on ne se demande même pas pourquoi le plus gros des félins, un puissant et féroce chasseur, accepte aussi facilement de prendre la pose avec des humains qu’il n’a jamais vu. N’est pas John Varty qui veut ou bien Eduardo de Black Jaguar White Tiger.
Cet article n’a pas pour but de critiquer la façon dont vous souhaitez passer vos vacances ou de me transformer en donneuse de leçon. Je mange de la viande et le beau cuir est mon talon d’Achille, je ne pense donc pas être irréprochable dans mon mode de vie, même si je tends à l’améliorer.
J’avais plutôt envie de partager mon ressenti sur ces activités innocentes dans lesquelles on peut facilement tomber dans le panneau:
– faire un bisou à un dauphin, alors qu’il est contraint de passer son existence dans l’eau claire et chlorée des bassins aquatiques;
– faire un selfie avec un tigre, alors que l’animal aura été drogué dans le but de lui faire perdre ses réflexes et son agressivité;
– faire une balade à dos d’éléphants, alors que le pachyderme souffre du poids des touristes faisant quotidiennement pression sur sa colonne vertébrale;
– s’enthousiasmer de la hardiesse des dompteurs face au cobra, alors que l’animal aura préalablement eu ses crocs arrachés;
– porter des tortues de mer, alors que cela occasionne énormément de stress pour le reptile;
– plonger dans une cage pour « nager » avec un grand requin blanc, alors que pour attirer l’animal on utilise du sang et des appâts ce qui aura tôt fait de le rendre agressif pour rien, puisqu’il ne se nourrira pas vraiment et qu’il associera les humains à ce cas de figure;
– se rendre dans des parcs à ours et trouver ça cool d’en voir une multitude dans un seul enclos, alors que sont des animaux solitaires de nature.
La plupart d’entre nous ne le savons pas.
Mais ceux qui organisent ce type de prestations le savent. Leur démarche est aux antipodes de celles d’un zoo qui, quand il est bien tenu, a pour objectif l’étude, la protection et la conservation des espèces.
C’est pourquoi, on ne peut que se réjouir de la fermeture du Tiger Temple en Thaïlande, où des découvertes macabres ont été faites, prouvant que le sanctuaire n’avait donc bien rien de bénéfique dans la sauvegarde de cette espèce menacée. Ou encore, de la décision de Sea World d’arrêter les reproductions d’orques en captivité, ainsi que les spectacles les mettant en scène.
En vacances, quand la destination le permet, j’ai toujours autant envie de voir des animaux,. Mais je souhaite les observer, libres, dignes et sauvages. C’est pourquoi, dorénavant, je privilégie les guides et les compagnies qui ont une approche éthique. Lorsqu’ils respectent l’espace des animaux, et ne s’approchent pas trop près d’eux; lorsqu’ils ne les nourrissent pas ou qu’ils ne font pas de bruit afin de les encourager à remonter à la surface, dans le cas des animaux marins. Et aussi, lorsqu’ils nous respectent nous, en tant que touristes, et qu’ils n’organisent pas des tours surpeuplés, à la chaine, où on nous promet de voir à coup sûr telles ou telles espèces. Parce que, en vrai, quand on laisse la nature suivre son cours, il y a toujours le risque de ne rien voir du tout.
Au fil de mes voyages, je me suis rendue compte que lorsque l’on prend le temps d’attendre et que l’on respecte l’environnement qui nous entoure, c’est là que Dame Nature sait véritablement nous surprendre, comme pour nous remercier.
Et puis sinon, il reste toujours Nat Geo Wild ^^.
12 Comments
Flowerpower
28 juin 2016 at 17:49C’est la deuxième fois en une semaine que je lis des choses à ce sujet … la première « alerte » est venue d’un blog ami ( http://ruedelabahutiere.canalblog.com/archives/2016/06/20/33988195.html et des liens dans son article) ça m’a fait réfléchir, je n’avais jamais songé que ces animaux dressés ou parqués souffraient autant (l’idée des zoos qui protègent les espèces, des dauphins qui aiment jouer, du dressage positif, etc …) et aujourd’hui, deuxième couche avec ton article, qui m’a beaucoup touchée … tes explications sont claires, et effectivement, même si nous avons encore des « talons d’achille » (goût pour la viande, attirance pour le cuir) le fait d’avoir conscience de la souffrance animale et le désir de diminuer nos consommations (quelles que soient leurs natures: alimentaires, loisirs, vêtements …) est un premier pas vers une nouvelle approche du monde animal …
Les Carnets d'Aurélia
3 juillet 2016 at 12:04Tout à fait, c’est exactement ça.
Merci beaucoup pour le lien de l’article.
Je m’y retrouve complètement. Avant d’en prendre conscience je ne voyais pas où était le problème; je sais que je me suis souvent dit « mais c’est quoi leur problème à ces défenseurs des animaux à toujours TOUT critiquer » pour moi ça n’avait rien à voir avec la fourrure par exemple; mais une fois que j’ai compris, que j’ai su ce que ces animaux enduraient pour nous amuser, oui j’ai eu honte d’avoir été aussi crédule.
Les actes barbares envers les animaux peuvent prendre beaucoup de formes.
En tout cas merci pour ton commentaire!
Young Matka
20 juin 2016 at 11:43J’ai beaucoup aimé ton article et je te rejoins à 100%.
J’ai un enfant en bas âge et je refuse de mettre les pieds dans les cirques et les zoos. Jamais on ne me verra dans un parc aquatique…
J’aime les animaux et je les respecte. J’aime les animaux et jamais je ne veux participer à tout ce business qui me donne la nausée.
C’est bien que tu aies eu un déclic, si tout le monde pouvait ouvrir les yeux. Ce sont des petits gestes qui font de grandes avancées. Merci pour cet article 🙂
Les Carnets d'Aurélia
20 juin 2016 at 20:46Merci pour ton commentaire!
Oui parfois il y a ce fameux déclic et on se sent tellement naïve de n’y avoir vu que du feu!
Depuis c’est ce que je me dis, le jour où j’aurais des enfants, hors de question de les emmener dans ce type d’endroit!
Tu as vraiment la bonne démarche. Merci une nouvelle fois d’avoir partagé ton avis. 🙂
Cynthia
13 juin 2016 at 16:36C’est une réflexion difficile parce que c’est vrai que quand on aime les animaux, on a envie de les voir et beaucoup sont difficilement observables dans la nature. Par exemple, au Québec, il y a les loups et les harfangs des neiges que je n’ai jamais pu voir, et ce n’est pas faute d’avoir espéré/essayé. Mais comme toi certaines expériences ont retourné quelque chose en moi et autant que j’aime les animaux, autant que je ne pourrais plus les voir enfermés dans des conditions qui ne sont pas stimulantes pour eux ni naturelles.
Les Carnets d'Aurélia
15 juin 2016 at 22:05C’est exactement ça! C’est l’amour que la plupart des gens qui participent à ce type d’attraction portent aux animaux, qui fait que ces attractions connaissent beaucoup de succès, et que donc, la condition des animaux sauvages continue à être effroyable.
L’harfangs des neiges est sublime, j’espère qu’un jour tu auras la chance d’en apercevoir un.
Mon rêve: un renard arctique (mais je peux rêver encore et encore ^^).
à bientôt!
lespetitsbonheursdekenji
13 juin 2016 at 13:35Complètement d’accord avec toi !
Ils proposent ces mêmes tours d’éléphants à Bali, quand on sait qu’il n’y a pas d’éléphants à la base sur cette ile …
Je crois qu’on peut trouver de belles alternatives pour cotoyer les animaux, comme par exemple du bénévolat à l’elephant nature park dans le nord de la thailande.
Les Carnets d'Aurélia
15 juin 2016 at 21:59Rholala, une aberration!
Oui, le bénévolat est une excellente idée. Il existe pleins d’associations, comme Cybelle Planète en France qui œuvre en ce sens.
C’est une bien belle démarche!
ellea40ans - Stephanie
13 juin 2016 at 12:46Nous sommes allées au Sri Lanka il y a 3 ans. Nous avons fait un tour à dos d’éléphant, ses chaines résonnaient à chacun de ses pas. J’en garde un très mauvais souvenir et je ne le referais plus jamais. Par contre, ma rencontre (toujours au Sri Lanka) , avec un éléphant sauvage au détour d’un chemin est l’un des moments les plus magiques de ma vie. Merci pour cet article
Les Carnets d'Aurélia
15 juin 2016 at 21:58Tu as eu les deux expériences en un séjour;
Tu as du adorer la rencontre avec l’éléphant sauvage! C’est un rêve maintenant pour moi.
Je comprends ce que tu ressens, il m’est arrivé une expérience magique de ce type il y a quelques mois au Costa Rica avec un Ocelot.
Indescriptible.
Merci à toi pour ton commentaire!
Miss MLL
12 juin 2016 at 23:50Pareil pour moi la Thaîlande et Blackfish m’ont fait changer mon rapport aux animaux sauvages « domestiqués »
Fini les zoos et les attractions un peu bizarre quand on y réfléchit avec des animaux adultes que l’on force à amuser la galerie.
Je trouve ça malsain maintenant de cautionner l’organisation qui en découle (captures, exploitation, conditions de vie déplorable etc.)
Les Carnets d'Aurélia
15 juin 2016 at 21:56Clairement!
Mais tant qu’on en prend pas pleinement conscience on n’y pense pas vraiment malheureusement.
Merci pour ton commentaire en tout cas.